Amours livresques.
... Longtemps je me suis couchée tard. Je lisais parfois jusqu'au petit matin, une lampe de poche à la main, planquée sous les couvertures...
Dans les cartons de notre déménagement, j'ai retrouvé un vieux cahier, rempli de passages de livres soigneusement recopiés et annotés. Parce qu'ils m'apportaient du rêve, des voyages extraordinaires, des déclarations enflammées.
Ado, toute la "Comédie humaine" y est passée. J'étais fascinée par le destin des Rougon-Macquart.
De "La Bête humaine" jusqu'au "Docteur Pascal", en passant par "Germinal", "Le rêve" ou "Le ventre de Paris", j'ai frémi d'horreur, aimé sur tous les tons, jusqu'à la folie, cette sombre folie faite de passions impossibles, d'alcoolisme ou de consanguinité, et qui traverse cette généalogie familiale de son sillon de sang.
Et puis... Et puis, un certain jour et même un jour certain,
J'ai rencontré l'homme de ma vie.
Hercule Savinien de Cyrano, dit Cyrano de Bergerac.
Un nom comme celui-là ne s'invente pas. Il a bel et bien existé.
J'eusse aimé, voyez-vous, que mes parents me donnassent le doux nom de Madeleine. (Ah. Qui me conjuge cette phrase à tous les temps?)
Je leur en veux encore.
Mais en fin de compte, me trouver de l'autre côté de la page comportait un sérieux avantage: J'étais Cyrano, et aussi Christian, et Roxane.
... Et puis, Cyrano pour moi ne pouvait être l'Amant: il y aurait perdu tout son panache.
J'éprouvais (et éprouve toujours!) pour lui une passion chaste et pure. Il ne me quitte jamais: au chevet de mon lit, un vieux bouquin tout moche, très abîmé; les pages s'en détachent ; le scotch y est roi. Mais moi j'y suis reine...
Quand bien même je le connais par coeur, (si tant est que l'on puisse vraiment connaître quelqu'un), Monsieur de Cyrano garde tous ses attraits!
Un nez, une rapière,
Des alexandrins en guise de dessert:
sa présence dans ma vie a un pouvoir magique.
Celui de relever la tête et regarder à chaque fois, encore un peu plus loin...
Hélène.